Cimetière de l'Est

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Raymonde TILLON NÉDELEC

 - © Assemblée nationale - 2016

1915-2016

Résistante
Cimetière de l'Est
Section 19C Rang 3b Tombe 1

Raymonde Nédélec-Tillon, décédée dans sa 101ème année, est une résistante et femme politique française, dont la vie fut semée d'épreuves. Modèle de courage, elle fut combattante pour toutes les libertés, et était la dernière survivante des 33 premières femmes françaises élues députées en 1945. Elle repose maintenant à Rennes auprès de son second époux, le non moins célèbre Charles Tillon.


© Assemblée nationale - 2016

Née à Puteaux (Hauts-de-Seine) le 22 octobre 1915, d'un père employé du métropolitain, Raymonde née Barbé perd ses parents alors qu'elle n'a que cinq ans. Elle est alors envoyée à l'orphelinat d'Arcueil, tenu par des religieuses. Très vite, elle ne supporte plus l'autorité des soeurs. Elle n'attend donc pas sa majorité et tandis qu'elle est encore adolescente, finit par s'enfuir pour rejoindre sa soeur et son frère, militant communiste et syndicaliste, près d'Arles. Elle devient alors employée de commerce et s'engage à son tour au sein des Jeunesses Communistes puis du Parti Communiste Français. Elle se mobilise pour son syndicat (CGT) et met en place une Section locale de l'Union des Jeunes Filles de France. Elle rencontre alors le militant CGTU et communiste Charles Nédélec, dit Charly, qu'elle épousera en 1935 à Arles, quand elle a 21 ans. Installé à Marseille, le couple milite en faveur du Front Populaire et voit arriver avec joie les accords de Matignon en 1936. Elle dira à ce sujet : "On allait vers des libertés qu'on n'avait jamais obtenues jusque-là. Depuis qu'on avait quitté l'école, on n'avait pas de congés payés. Et tout d'un coup, on avait quinze jours !".

Puis la guerre éclate. Très vite, Charly et Raymonde entre en résistance. Cette dernière distribue des tracts, placarde des affiches, et abrite des clandestins. Le 31 mars 1941, elle est arrêtée sur dénonciation par la police de Vichy et condamnée à vingt ans de travaux forcés par le Tribunal Maritime de Toulon. Elle est alors incarcérée à Marseille, Toulon, Lyon, puis Rennes. Elle raconte : "Pour la première fois, je respirais l'air de la capitale bretonne". C'est un moment très difficile. Elle participe avec ses compagnes d'infortune à une révolte à l'intérieur de la centrale. Le 19 mai 1944, elles sont transférées vers Romainville en région parisienne, pour ensuite faire partie d'un des derniers convois envoyés en Allemagne, d'abord au camp de Neue Bremm à Sarrebruck puis celui de Ravensbrück. Très peu d'entre elles reviendront de ce camp presque exclusivement réservé aux femmes, qui servent souvent de cobayes à des firmes pharmaceutiques allemandes. Raymonde Nédélec est ensuite envoyée à Leipzig pour travailler dans une usine d'armement. Jamais elle n'abandonna le combat, comme elle l'expliquera plus tard : "On a saboté dans tous les ateliers. Nous sommes restées un an à Leipzig et pendant un an, nous avons saboté. Dans tous les ateliers". Elle parvient à s'évader le 20 avril 1945, quelques jours avant l'armistice, et parvient à rentrer en France : "Quand je suis revenue à Paris, pesant à peine 35kg, j'ai appris le décès de mon mari, mort d'épuisement dans la Résistance".

Cette veuve de 30 ans retourne alors à Marseille et reprend son engagement syndical et politique : elle rentre à la CGT des Bouches-du-Rhône et sera nommée responsable de la Commission féminine, chargée de défendre les intérêts des femmes syndiquées. La même année, en septembre 1945, elle devient conseillère générale du 6ème canton de Marseille. Et le 21 octobre, elle est élue à la Première Assemblée constituante de la IVème République (le sera de 1945 à 1951), en 3ème position dans la 1ère circonscription des Bouches-du-Rhône, sur la liste communiste conduite par François Billoux. Elle fait donc partie des 33 premières femmes députées élues en France. C'est un véritable évènement : "On était émues. Les femmes étaient reconnues comme des citoyennes, en tenant compte de leur travail dans la Résistance. Nous étions de partis différents. Mais nous nous disions : enfin!". En tant que députée, elle fait de la protection des personnes âgées et des veuves, sa priorité. Elle lutte également contre la politique indochinoise du gouvernement. C'est à cette période qu'elle rencontre Charles Tillon, ancien chef de la résistance communiste et des FTPF (Francs-Tireurs Partisans Français) et ministre du Général De Gaulle à la Libération (de 1944 à 1947), un des dirigeants du Parti Communiste Français et député d'Aubervillers. Ils se marieront en 1951 et auront deux filles, Itéa et Nadia.

Ce couple n'en finira jamais de lutter, même après la Seconde Guerre Mondiale. En effet, ils se battent ensemble contre le stalinisme au sein de leur propre parti. Charles Tillon est exclu du bureau politique en 1952, lui et son épouse prennent leur distance et se réfugient à Montjustin en Provence. Ils vont alors beaucoup écrire. Charles publiera de nombreux ouvrages, avec l'aide de Raymonde, pour dire leur vérité. En 1970, après s'être de nouveau opposés aux évènements de Prague, ils se font totalement exclure du parti. Raymonde écrira une lettre à la cellule d'Aix en Provence pour expliquer son départ : "Si je suis restée communiste dans les camps de la mort, je demeure solidaire de tous les communistes, qui en Tchécoslovaquie comme en France, luttent pour l'union de toutes les forces, dont le combat vaincra le nouvel esprit de démission ou de résignation qui sert sournoisement toutes les formes de réaction hostiles à la liberté de chaque peuple à devenir maitre chez lui pour assumer l'avenir" (Cette exclusion fut annulée par le PCF en 1997). C'est à ce moment qu'ils décident de revenir vivre en Bretagne, d'où est originaire Charles, où selon lui : "la terre, la mer et la chanson du vent parlent toujours de liberté". Après quelques temps à vivre dans Rennes, c'est à La Bouëxière que les deux combattants s'installent pendant près de vingt ans.

Charles Tillon meurt en 1993, à Marseille. Raymonde Tillon continue d'écrire, et publie en 2002 "J'écris ton nom, Liberté", dont la préface est écrite par une autre grande résistance, Germaine Tillon. En 2015, l'Assemblée Nationale lui rend hommage à travers une exposition sur les 33 premières femmes élues députées. Raymonde est alors la dernière survivante de ce groupe de femmes politiques. En 2016, la comédienne et auteure Sylvie Gravagne s'inspire de sa vie pour une pièce jouée au Festival Off d'Avignon : "Une vraie femme".

Raymonde Tillon s'éteint le 17 juillet 2016, à l'âge de 100 ans. Avant de rejoindre son second mari, dans la sépulture du cimetière de l'Est de Rennes, juste en face du monument dédié à la Résistance, un hommage officiel lui est rendu place du Parlement de Bretagne, sa médaille militaire, sa croix de guerre 39-45 et sa légion d'honneur mis en évidence devant son cercueil recouvert du drapeau tricolore. De nombreuses personnalités politiques ont pris part à cet hommage à travers des commentaires. Le Président François Hollande rend hommage à "une femme engagée" au "parcours exemplaire". Le premier ministre Manuel Valls dira : "Elle a montré la voie. Sachons suivre son exemple". La maire Nathalie Appéré écrira : "Liberté, durant toute sa vie Raymonde Tillon écrivit ton nom. Elle nous a quittés mais nous garderons son inlassable appel à résister", mais aussi : "Alors que notre pays traverse de terribles épreuves, son courage et son énergie sont pour nous des exemples à suivre. Nous ferons vivre son appel à résister, et garderons en mémoire le combat pour la liberté qu'elle a mené durant toute son existence". Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes, lui rendra également hommage : "Raymonde Tillon incarne courage et fidélité à un idéal", tout comme le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, qui a salué celle qui : "a traversé la fureur de ce siècle en ne renonçant jamais à son exigence démocratique". L'historien Charles-Louis Foulon, quant à lui, a prononcé un discours sur "95 ans de combat", en lui disant adieu : "Belle dame, dormez et reposez en paix. À nous d'être dignes de votre exemple et de marcher dans la lumière".

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