Cimetière du Nord
Gaëtan HERVÉ
1886-1944
Victime de guerre
Section 2 Rang 39 Tombe 2
Gaëtan Hervé est né le 1er mars 1886 à Rennes, son père est instituteur. Après de brillantes études, il est licencié en Droit en 1907. La même année il effectue son service militaire, jusqu'en octobre 1909. Le 6 juin 1912, il épouse Henriette Neveu. Ils auront trois filles : Annick (née en 1919), Jeannine (née en 1921) et Monique (née en 1925).
Le 1er avril 1913, le maire de Rennes Jean Janvier souhaite réorganiser les services municipaux et le nomme rédacteur, pour seconder le secrétaire général. L'année suivante, la guerre éclate. Le 9 août 1914, il est mobilisé au 270ème Régiment d'Infanterie, comme lieutenant. À la Vallée aux Blés (Aisne), il reçoit une balle dans le pied le 29 août,
et est fait prisonnier en Allemagne jusque la fin de la guerre. Rapatrié à Rennes le 23 novembre 1918, il est démobilisé le 13 juin 1919.
Gaëtan Hervé reprend ses fonctions de rédacteur à la mairie. En avril 1921, il est nommé rédacteur chef. En novembre 1925, le maire Carle Bahon le nomme secrétaire général quand son prédécesseur Paul Fablet part à la retraite. Le maire propose dès le mois suivant "d'élever les appointements de Monsieur Hervé qui occupe avec un grand talent et un zèle remarquable le premier rang de notre personnel". Gaëtan Hervé s'installe dans un logement de fonction, avec sa famille, dans l'hôtel de ville. Il sera fait Chevalier de la Légion d'Honneur en 1936. Il est de nouveau mobilisé en septembre 1939, en tant que capitaine, affecté à la gare de Versailles. À la suite de la défaite, il est démobilisé en juillet 1940 et revient à Rennes le mois suivant. Il reprend alors ses fonctions, malgré l'Occupation, tout comme le maire François Château.
Durant la guerre, l'administration rennaise doit faire face à de nouvelles missions : jusqu'à l'automne 1941, il faut accueillir les réfugiés qui fuient la progression allemande. Rennes est une ville de transit, elle accueille ceux qui viennent en Bretagne. 26 000 repas sont servis tous les jours. Il faut également les loger, c'est ainsi que la Ville fait construire des baraquements dans divers quartiers. Dès novembre 1939, la municipalité se charge de stocker des denrées alimentaires non périssables en vue des mois à venir. Elle créée également un Comité de Guerre afin d'apporter une aide pour les familles des soldats mobilisés puis des prisonniers (organisation de spectacles, kermesses, loteries, afin de récupérer des dons). La ville organise aussi l'oeuvre des cantines scolaires à l'hiver 1941, pour accueillir tous les enfants scolarisés et leur permettre d'avoir au moins un repas complet chaque jour. Elle organise la protection de la population, en recensant les abris en cas d'attaque aérienne. 132 équipes de surveillance et équipes formées aux premiers secours sont mises en place. L'administration doit également fournir à l'occupant de nombreux objets réquisitionnés : poste de TSF, mobiliers de bureau, coffres forts. Elle doit payer le salaire de 41 interprètes, fournir des logements aux militaires.... La facture est très élevée. Avec les bombardements, il faut aussi prendre en charge l'identification des victimes et leur inhumation, la recherche des familles, le relogement des sinistrés. Gaëtan Hervé travaille donc sans répit, durant toute la guerre.
En mars 1943, un groupe de jeunes franquistes, ardents collaborateurs, s'en prend au personnel de l'Hôtel de Ville. Ils entrent dans le bâtiment, distribuent des tracts, sèment le désordre, entrent de force dans le bureau du secrétaire général. Gaëtan Hervé s'interpose et appelle la police. Les franquistes finissent par s'en aller, mais le menacent, ainsi que le maire, de vives représailles, notamment de les "pendre au bout d'une corde".
Le 28 juin 1944, le milicien Philippe Henriot, collaborateur très connu, alors Secrétaire d'État à l'Information et la Propagande , orateur sur Radio Paris, est tué à Paris. Les nazis et les miliciens veulent punir les auteurs, et désignent 150 personnes en France, considérées opposantes au régime de Vichy de toute la France, pour les exécuter. Depuis le débarquement en Normandie du 6 juin, les tensions sont vives chez l'ennemi. À Rennes, le CENS (Cercle d'Études National-Socialiste, groupuscule collaborateur), désignent cinq personnalités rennaises : Pierre Lemoine, greffier à la cour d'Appel, Louis Volclair, libraire, Oscar Leroux, ancien adjoint au maire, François Château, le maire, qui s'est déjà enfui et Gaëtan Hervé. On suppose que les deux dernières condamnations sont dues à l'altercation de mars 1943.
Dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 1944, vers 22h30, les miliciens arrivent au domicile de Gaëtan Hervé. Un membre de sa famille ouvre la porte et les hommes rentrent dans le logement. Le secrétaire général, en pyjama, sort discrètement de sa chambre parvient à s'enfuir puis court vers la rue de Coëtquen. Les miliciens le poursuivent et tirent. Gaëtan Hervé est abattu au carrefour des rues Jean Jaurès, Baudrairie et de Coëtquen. Son corps ne sera retrouvé que le lendemain matin à la levée du couvre-feu.
La presse n'évoque pas les assassinats du 30 juin. Dans L'Ouest-Éclair, on lit le 3 juillet 1944 que Gaëtan Hervé et Louis Volclair sont "décédés accidentellement".
Aujourd'hui, une rue ainsi qu'un établissement ..... (EPHAD) portent le nom de Gaëtan Hervé, rendant ainsi hommage à cette victime, qui a par ailleurs fortement marqué l'administration rennaise.